Ce que l’on dit, ce que l’on pense : Les poètes sont des doux rêveurs et leurs idées ne sont que fantasmes et pure utopie. Les poètes sont des doux rêveurs et ne comprennent rien à la politique.

Ce qui est vrai : Les poètes écrivent ce qu’ils ont sur le cœur. Les poètes ont les pensées à l’infini. Ce qu’ils ont sur le cœur et ce qu’ils pensent font sourire souvent. Le cœur et la raison ! Ce que l’on en dit lorsqu’il s’agit d’amour. Alors s’agissant de politique il y a de quoi se méfier sans doute plus encore des poètes qui parlent plus de coeur que de raison – croit-on. Comment expliquer alors que les poètes dérangent parfois ? Et lorsqu’il dérange un peu trop, le poète devient le mouton noir que l’on remise au rang des infréquentables. J’ai même entendu dire complotistes parfois. C’est un mot nouveau. Il paraît qu’il pourrait s’apparenter à « terroristes ». Les poètes seraient donc des terroristes ?

Les poètes avaient dit il y a quelque temps … mais le peuple avait dit : « retourne à ta poésie, tu ne dis que des bêtises. D’ailleurs sans pass tu ne fais pas partie du monde. » S’en souvient-on seulement aujourd’hui ?

Alors aujourd’hui, je regarde sans rien dire ce petit peuple, ahuri, abasourdi, sidéré, se prendre la tête à essayer de deviner quel triste sire sera le moins pire pour sauver -enfin ce qu’ils en disent- leur fourmilière qui prend l’eau. J’observe, doux rêveuse que je suis, ce peuple tel un peuple de fourmis qui aurait pris un bon coup de pied dans sa fourmilière. La fourmilière avec ses habitudes, ses chemins tout tracés -métro-boulot-dodo – tête dans le guidon. La raison quoi ! Mais aujourd’hui la raison devient celle du plus fort qui s’en empare, l’utilise pour manipuler davantage encore.

Aujourd’hui je regarde les gesticulations de ceux qui gouvernent ou veulent gouverner. « C’est moi qui vous sauverai, avec les autres c’est le chaos, avec les autres vous êtes foutus. Le pays est foutu … » Le pays ! Qui s’en soucie en vrai ? Le pays où l’on n’arrive jamais … Je regarde avec ma raison mais mon coeur est bien triste.

Je reste poète et je n’ai d’autre envie ce matin que de sourire à l’impuissance du petit peuple de la fourmilière. La mienne d’impuissance, il y a longtemps que je l’ai laissée au porte-manteau. J’y ai mis le temps et la tristesse qui va avec. Parce qu’avant de me résoudre à la suspendre, j’ai mis une énergie pour réveiller, non pas les doux rêveurs, mais les fourmis anesthésiées, les moutons moins noirs que moi et plus fréquentables, j’y ai mis une énergie qui m’a privée d’instants que j’aurais préféré joyeux dans ma vie finissante. J’y ai perdu des amis. Mais étaient-ce des amis ? Je me suis pourtant réjouie d’en trouver d’autres en chemin.

Oui, je souris chaque jour un peu plus. « Le petit poste » – appellation désuète mais que j’aime bien – suffit à me tenir informée des gesticulations. Mon sourire serait-il celui d’une horrible complotiste ? D’une ignoble terroriste ?

Mon sourire n’est ni gai, ni triste. Résigné peut-être. Je sais déjà que les fourmis resteront fourmis, avec leur raison de fourmis.

Et moi je resterai poète avec mon coeur de poète, libre et infréquentable.

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